vendredi 21 octobre 2011

Les maris modèles du Niger



Ils s'appellent Malam, Lawali, Moutari, Abdoussalam. Ils ont presque tous fait le pélerinage à La Mecque (comme le prouve leur joli petit calot brodé). Ils sont cultivateurs ou commerçants. Ils ont deux ou trois épouses et 9, 13, 16 enfants. Et ce sont des .... maris modèles !
Oui oui des modèles, des exemples. Les parangons de l'époux vertueux au pays de la femme soumise, exploitée, oubliée, voire cloitrée (hé oui ça existe).

[Petite parenthèse :
Ici la femme ne va pas en consultation prénatale, accouche à la maison avec une matrone (qui parfois oublie de ligaturer le cordon ou de sortir le placenta - véridique hélas), ne vaccine pas ses enfants, leur donne des décoctions s'ils sont malades, et ne pratique aucune planification de ses grossesses.
Et surtout la femme ne va JAMAIS au centre de santé du village, car -c'est bien connu- là-bas il y a des mauvais esprits. Et puis il parait qu'ils font des piqûres aux enfants pour les stériliser. Et en plus le médecin est un homme, il risque de prendre les femmes des autres.
Merci les coutumes et les croyances ancestrales. Merci les marabouts qui fichent la trouille à tout le monde lors de la prière du vendredi. Merci les chefs coutumiers qui, du haut de leur piédestal, colportent des idées reçues. Bref y a du boulot d'éducation. Fin de la paranthèse.]

Nos maris modèles sont donc des hommes qui laissent leur femme aller au centre de santé, voire même qui les accompagnent le jour de l'accouchement (mais restent dehors - faut pas exagérer quand même). Leurs femmes vont régulièrement en consultation et utilisent une méthode de contraception, leurs enfants dorment sous une moustiquaire et sont vaccinés contre la polio, la méningite et la rougeole.
C'est dire si ce sont de vrais héros.


Et en plus ces maris modèles propagent la bonne nouvelle autour d'eux !
Ils forment des groupes 10 ou 12 maris et se réunissent une fois par semaine dans la case de l'un d'eux. Ils discutent des différents problèmes de leur village et trouvent des solutions.
En général la solution c'est SENSIBILISER. Ils profitent donc de toutes les occasions pour parler aux autres hommes du village et les convaincre d'utiliser les services de santé. Par exemple lors d'un mariage, lors d'un baptême ou tout simplement lorsque les hommes se retrouvent sous l'arbre pour discuter. Bien sûr, comme les préjugés sont tenaces, ces maris modèles sont accompagnés et aidés par des ONG locales et par UNFPA qui leur donnent des formations et des outils pour convaincre les autres.
Outre la sensibilisation, les maris modèles trouvent aussi des solutions concrètes quand c'est nécessaire : par exemple se cotiser pour acheter des briques et construire dans le Centre de santé une salle  réservée aux femmes qui viennent d'accoucher, pour éviter qu'elles soient mélangés aux malades (comme c'est souvent le cas dans les centres de santé de brousse).

Ce projet s'appelle "l'Ecole des Maris" - "Ecole" au sens de courant de pensée, mouvement. Il a été lancé en 2008 par UNFPA qui s'est dit qu'il fallait impliquer les hommes pour pouvoir améliorer la santé maternelle et infantile dans le pays. Le Niger compte aujourd'hui plus de 170 groupes de maris modèles, bénévoles et très impliqués.


Et ça marche !

Dans tous les villages où un groupe existe, les résultats sont spectaculaires : 100% des femmes se rendent en consultations prénatales et postnatales, 100% des femmes accouchent au Centre de santé, etc. Alors qu'avant la mise en place des groupes de maris, 80% des femmes accouchaient à domicile, aucune n'allait en consultation pour elle ou les enfants.
Et surtout, grâce aux efforts d'explications des Maris, tout le monde est convaincu des bienfaits des services de santé - des paysans analphabètes au préfet de la région, en passant par les marabouts et les chefs coutumiers.
Du coup dans ces villages les indicateurs s'améliorent, les femmes et les enfants sont en meilleure santé. Il reste à étendre l'expérience... Le taux de mortalité maternelle et infantile du Niger est l'un des plus élevés au monde.

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